Ce n'est pas une démocratie ! ... Ou en est-ce une? - Christine Blondel

 

Avez-vous déjà été tenté de dire : "Ce n'est pas une démocratie !" Par exemple, lorsque votre neveu de 30 ans, armé de son MBA nouvellement acquis d'une prestigieuse école de commerce a commencé à poser des questions lors de l'assemblée assemblée générale annuelle ? Ou lorsque votre tante âgée de 75 ans a demandé pourquoi les dividendes n'avaient pas augmenté cette année ? 

Toutefois, l'expression "démocratie d'actionnaires" existe réellement et elle concerne le droit des actionnaires de poser des questions lors des assemblées générales - et de présenter des candidats aux fonctions d'administrateurs. 

Ainsi, dans votre entreprise familiale, ce mot de « démocratie » signifie-t-il quelque chose ? Est-il applicable et utile - et si oui, dans quelles circonstances ? 

Lorsque l'entreprise familiale n'est pas une démocratie 

Contrairement aux régimes politiques présidentiels, une entreprise n'est pas gérée par une personne élue par les actionnaires ou les employés. Dans le passé, l'entreprise familiale a souvent été gérée par le fils aîné - un peu comme une monarchie. Cette tradition laisse place, le plus souvent de nos jours, à la notion de méritocratie : la meilleure personne pour le poste – que ce soit un fils aîné, une jeune nièce ou un dirigeant sans lien de parenté avec les propriétaires. 

La personne en charge doit respecter les valeurs fondamentales de l'entreprise familiale, et être acceptée par la famille. C'est néanmoins le conseil d’administration qui mandate le directeur général, le plus souvent après un long processus et en concertation avec les actionnaires.

Quand la démocratie entre en jeu 

Les actionnaires ont des droits, en particulier celui de voter en assemblée générale. Deux des votes les plus importants concernent le montant des dividendes et la nomination des administrateurs pour siéger au conseil d'administration. Dans les deux cas, des recommandations sont faites par le conseil d'administration, mais la décision formelle incombe à l'assemblée des actionnaires qui ne peuvent pas être ignorés. Ces décisions peuvent d’ailleurs être discutées en conseil d’actionnaires ou conseil de famille avant le vote en assemblée générale. 

Considérer les actionnaires comme des ressources

Vous pouvez penser que les actionnaires ne connaissent pas l'entreprise, et qu'ils ne devraient pas avoir voix au chapitre dans les affaires. Mais prenons un point de vue différent. Ils peuvent très bien avoir une vision « fraîche » de l'entreprise, acquise en la regardant de l'extérieur. Nous avons été témoins de plusieurs cas où les actionnaires « extérieurs » ont vu les enjeux stratégiques auxquels était confrontée l'entreprise beaucoup plus clairement que ses dirigeants. Malheureusement, les dirigeants ont préféré ignorer les commentaires de leurs cousins ... jusqu'à ce que les problèmes fussent devenus si graves que la survie de l'entreprise fût en cause. 

Au lieu de considérer les actionnaires non exécutifs comme un fardeau, nous vous invitons à les considérer comme des ressources. Ils apportent des capitaux, une source de talents, peuvent être ambassadeurs de l'entreprise, contribuer par des liens sociaux ... et ils votent sur les décisions importantes. De plus en plus de familles se lancent dans des programmes de formation pour leurs actionnaires, arguant que si ces derniers comprennent mieux l'entreprise, ils seront plus en mesure de prendre des décisions rapides en cas de besoin. 

Le dialogue est plus fructueux lorsque les actionnaires se voient donner les connaissances nécessaires sur l'entreprise. Concluons avec l'exemple d'une entreprise familiale européenne qui avait cinq actionnaires. Deux travaillaient dans l'entreprise et trois non. Ceux qui ne travaillaient pas dans l'entreprise ont commencé à demander des dividendes plus élevés. Leurs cousins se sont plaints qu'ils « ne pensaient qu'à l'argent ». Vers ce moment-là, les cinq cousins ont commencé à se réunir plus régulièrement échanger davantage sur l'entreprise, et l'un des actionnaires anciennement « passif » a été nommé à l'un des conseils d’administration. La conversation a pris une nouvelle tonalité : les actionnaires non exécutifs ont maintenant une perception plus claire de l'entreprise et ont une approche plus complète des questions. Qui plus est, leurs cousins ont appris à les écouter.

Christine Blondel

Blog écrit en anglais pour KPMG en 2014 – traduction Paul Cabannes